Nos Histoires

Famille Marey-Monge (1763 – 1936)

La plus grande famille de Bourgogne

En 1795, deux familles françaises emblématiques, les Marey et les Monge, s’unirent par le mariage pour créer une dynastie encore largement admirée en Bourgogne aujourd’hui. 

Le Château de Pommard et le Clos Marey-Monge ; tels que nous les connaissons aujourd’hui ; remontent à l’origine à l’une des familles les plus anciennes et les plus respectées de toute la Bourgogne : les Marey-Monge. Leur nom est connu dans toute la région. Beaune, le cœur de la Bourgogne, et son village voisin, Pommard, arborent des statues du célèbre mathématicien français, Gaspard Monge. La bibliothèque de la ville, et une brasserie ou deux, portent également son nom. Il en va de même pour la famille Marey. Les statues d’un grand nombre d’éminents fils de Nicolas-Joseph Marey et d’Émilie Monge trônent dans les villages ; de Volnay à Vosne-Romanée ; où la famille Marey-Monge avait étendu son empire viticole.

Mais c’est à M. Claude Marey, en 1763, que reviennent les honneurs pour la gloire, la fortune, ou le bon vin, qui allaient devenir l’essence même de la Bourgogne au cours des quatre siècles à venir.


1765 : Claude Marey laisse sa marque avec un cadran solaire dans la Cour Carrée. Il est y toujours. Il fonctionne encore, plus ou moins

Fils du prospère vigneron et marchand, Jean Marey; Claude Marey (1696-1770) a passé sa jeunesse à voyager à travers l’Europe pour vendre le vin de son père. C’est lors de ces voyages que le jeune Claude, sage et vif; a créé de précieux contacts et réseaux qu’il allait utiliser pour devenir le premier négociant en vins de la Bourgogne moderne ; et l’un des premiers marchands de vins internationaux. Il était apprécié pour sa modestie, sa gentillesse et sa générosité. Un « Bourguignon honnête, se contentant des tâches quotidiennes en tant qu’écuyer de Pommard, » nous décrivent les livres d’histoire.



M. et Mme Marey : Claude et Claudine Lenoir

Au fil des ans, et avec son épouse Claudine Lenoir et ses deux fils Claude-Philibert et Nicolas-Joseph (1760-1818) à ses côtés ; Claude Marey a acquis de nombreuses propriétés viticole dans différents villages de Côte d’Or.

La famille passait son temps dans son manoir à Nuits-Saint-Georges. C’est avec l’achat du Château de Pommard et d’importantes installations de vinification, auprès de Joseph Micault, le fils de Vivant, le fondateur du vignoble ; que la famille Marey s’était enfin imposée comme une famille riche et de renommée.

Pendant sept ans, jusqu’en 1770, l’année de son décès à l’âge de 74 ans, Claude Marey a lourdement investi dans les installations viticoles. Il a continué de produire un vin qui faisait l’envie de tous, prisé par les rois et reines ici et à l’étranger.

Mais si Claude a été le premier Marey à laisser sa marque à Pommard, c’est son second fils, Nicolas-Joseph, qui est tombé en amour avec les vignes. Son amour pour une Monge allait devenir le lien qui unirait ces deux célèbres familles françaises. Ceci transformerait ainsi non seulement le vin de Pommard, mais l’ensemble de la Bourgogne, dans son sillage.

Et, comme toutes les histoires qui marquent souvent une vie, elle commence avec une histoire d’amour entre un homme et une femme.

C’était en 1793.

Suite au décès de son père, Nicolas-Joseph Marey hérita de 309 876 francs, y compris du domaine viticole de Pommard. Son frère, Claude-Phillibert, demanda la maison familiale et les parcelles de Nuits-Saint-Georges de son père. C’est à partir de là que les deux frères ont suivi des routes séparées.

À l’époque, Nicolas-Joseph avait entamé une carrière politique prometteuse à Paris. Ce poste le conduit à une rencontre fortuite avec Gaspard Monge. Le mathématicien bourguignon qui, à l’âge de 17 ans, avait élaboré le plan de sa ville natale, Beaune. Affichant des prouesses mathématiques qui culmineraient lorsqu’il co-fonderait l’École Polytechnique dans la capitale, en 1794, au cours de la Révolution française ; et deviendrait ensuite émissaire des armées napoléoniennes en Égypte.



M. et Mme Monge : Gaspard et Marie-Catherine Huart

La fille de Gaspard, Jeanne-Charlotte Émilie Monge, avait 18 ans de moins que Nicolas-Joseph lors de leur première rencontre. Mais de telles différences d’âge étaient chose commune à l’époque. Belle et tenace, comme sa mère, Marie-Catherine Huart, elle-même une aristocrate éminente. Émilie avait 17 ans lors de son mariage avec Nicolas-Joseph auprès duquel elle commença immédiatement à fonder sa propre famille. Ils étaient passionnés l’un de l’autre. Nous en sommes certains – ils eurent 8 enfants ensemble. 



M. et Mme Marey-Monge : Nicolas Joseph et Émilie

Enchanté par le fruit de son labeur dans son propre jardin au Clos Marey-Monge, le premier couple d’époux collaborateurs du Château de Pommard a consacré sa vie à protéger ses vignes et à assurer la pérennité du Château de Pommard. Même la Révolution française n’aurait pu les arrêter.

Le vin coulait dans les veines de Nicolas-Joseph. C’était dans son sang et dans l’ADN de sa famille. Et en juin 1795, il coula dans celles d’Émilie aussi ; ils se marièrent à l’église de Pommard. Nicolas-Joseph trouva en sa femme son propre reflet. Ils partageaient l’amour de préservez, mais aussi d’offrir au monde entier, le vin de Pommard.

C’est grâce aux échanges de lettres avec Marie-Catherine Monge, la mère d’Émilie, que nous découvrons les pratiques de vinification fascinantes de Nicolas-Joseph et d’Émilie au début de l’exploitation du domaine ensemble. Dans une lettre datée de 1811, Nicolas-Joseph écrivait, « Nous achetons du sucre brun pour relever un peu le goût fade des raisins. Mais ce n’est pas suffisant pour couvrir les tannins verts et la platitude du vin. Nous avons dû trouver chez l’épicier ce que la providence ne nous apportera certainement pas cette année : le feu et le goût. »

Souvent séparés par la carrière politique de Nicolas-Joseph à Paris, le couple épris s’envoyait des lettres d’amour. Ils « apaisaient leurs cœurs lorsque séparés » en parlant du travail à effectuer dans les vignes. « Mes souhaits ont été exaucés, » écrivait Émilie « mon mari est resté le même à mes yeux. » Cependant, le profond attachement de Nicolas-Joseph à leur domaine et leurs vignobles auraient à subir les difficultés d’une nation déchirée.


Route des Grands Crus : Château Marey-Monge, vers 1870. Aujourd’hui, le tableau est suspendu chez notre voisin, et adjoint au maire de Pommard, Olivier Cyrot 

En 1789 ; à la veille de la Révolution française ; la famille Marey possédait plus de 160 parcelles de vignes entre la Côte de Beaune et la Côte de Nuits, dont le frère de Nicolas-Joseph, Claude-Philibert, était propriétaire.

Après la menace de la Grande Peur, qui a précédé l’infâme Régime de la Terreur, de nombreux Châteaux de Bourgogne – symboles de la noblesse française – ont été incendiés par des révolutionnaires, suite à l’assassinat d’un aristocrate sur la route de Vitteaux, embrasant les flammes du changement.

Alors que Claude-Philibert a fui le pays craignant pour sa vie (pour ne revenir qu’en 1800), Nicolas-Joseph est resté à Pommard et à Paris, et a courageusement continué son travail, malgré la colère que son rang et sa noblesse provoquaient.

Cependant, craignant pour la vie de sa famille, Nicolas-Joseph vendit le Château Micault, pour 25 000 francs, à la matriarche, Agathe Rose Dambrun, de la famille Joursenvault, des notables de Beaune. Astucieusement, Nicolas-Joseph resta propriétaire de ses vignes de Pommard et des dépendances accueillant le processus de vinification. Alors que la Nation gronda jusqu’à 1799, ses terres ne furent jamais saisies, contrairement à de nombreux châteaux de la région.


Rue des Marronniers : Aujourd’hui, la rue qui mène à notre porte s’appelle la Rue Marey-Monge, en l’honneur de nos célèbre gardiens, photographié dans les années 1900

Lorsqu’un futur ami de la famille, Napoléon Bonaparte, fut nommé empereur français, le chaos laissa place à la paix dans le pays. Cependant, Nicolas-Joseph ne fut pas en mesure de réunifier le Château Micault avec ses vignobles… en dépit d’en offrir 100 000 francs à la famille Joursenvault, quatre fois ce qu’il l’avait vendu à l’époque. Les terres étaient, comme elles l’avaient toujours été, une possession précieuse, dont la valeur était bien connue de tous.

Mais la passion de Nicolas-Joseph pour son vignoble de Pommard ne connaissait aucune limite.

En 1802, Nicolas-Joseph décida de construire un nouveau Château pour sa famille, à seulement 200 pas du premier. Le Château Marey-Monge, son nom actuel, est né au-dessus de la pierre calcaire, riche en argile et du terroir digne des plus grands crus de la parcelle Chantrerie, camouflée du monde extérieur par un bosquet de cèdres et de séquoias.


Château Marey-Monge : Tel qu’il était en 2005. Des rénovation intensives sont en cours !

L’imposant second manoir du vignoble de Pommard a été conçu, autour des années 1800, par l’architecte parisien Jean-Nicolas-Louis Durand, professeur de la célèbre École Polytechnique de Gaspard Monge.


Bienvenue chez vous : Première pierre des fondations de Nicolas, placée au-dessus de l’entrée du Château

L’architecture du Château Marey-Monge refléterait les principes et la personnalité moderne de Nicolas-Joseph : pas de sculptures, pas d’ornements superflus ; praticité et un style terre-à-terre, respectant la plus pure tradition bourguignonne. La construction des six niveaux du Château Marey-Monge et de sa cave a été achevée en 1812. Il a immédiatement provoqué l’admiration à des kilomètres à la ronde. « Lorsque, dans nos villages, nous souhaitons dire que quelqu’un a une belle maison, nous disons : elle est aussi belle et aussi pratique que celle de M. Marey, » écrivait l’auteur Charles Ruskin John dans sa publication The General History of Burgundy (Histoire générale de la Bourgogne). 


Baignoire de Napoléon : La Chambre Bleue, où Napoléon restait 

Napoléon Bonaparte, un cher ami de la famille Marey-Monge durant les guerres napoléoniennes, serait resté au Château Marey-Monge durant cette période, sur plusieurs années. L’empereur a même fait don du bois utilisé dans la construction de l’étage. Naturellement, lorsque Napoléon venait, il avait sa propre chambre ! La Chambre Bleue, équipée de toilettes en porcelaine bleu, d’un papier peint bleu et d’une baignoire (de la taille d’un évier).

L’élément le plus important peut-être que Nicolas-Joseph et Émilie aient ajouté lors de leur intendance au « domaine royal de Pommard » a été l’installation d’un mur de forteresse de 20 hectares de long et deux mètres de haut, entourant et protégeant les vignes. Aujourd’hui, les murs du Clos sont connus dans le monde entier : ils ont façonné le paysage viticole de la Bourgogne, transformant des rangs de vignes en une mosaïque de territoires, de toutes formes et tailles.

Nicolas-Joseph et Émilie ont donné au Clos un nom digne du mélange des deux grandes familles : Le Clos Marey-Monge. Il demeure depuis le plus grand monopole de Bourgogne à ce jour. La légende raconte que Nicolas-Joseph offrait à tout villageois une nouvelle paire de bottes, et une ration de soupe et de pain, en échange de son aide dans l’édification du mur, pierre par pierre.


Le Clos Marey-Monge : Deux mètres de haut et 20 hectares de long 

C’est en 1818, que Nicolas-Joseph décéda subitement, à l’âge de 58 ans. Il mourut dans son endroit préféré, au deuxième étage de son château, la maison qu’il avait construite. Il était 16 heures.

Non du style à se laisser diminuer par la tragédie, Émilie esquissa à l’aquarelle la célèbre scène du dernier soupir de son mari. C’est à la fois un rappel visible de la ténacité inébranlable d’Émilie, ainsi qu’un aperçu de la décoration intérieure exempte d’opulence du Château.


Seize heures : aquarelle d’Émilie dépeignant la mort de Nicolas-Joseph au Château Marey-Monge 

Femme dévastée mais déterminée, dévouée au Clos et à ses huit enfants… Émilie prit la relève du Château de Pommard, s’occupant également de la vinification et de la récolte. Lors de son mandat de chef des terres, Émilie ; influencée par l’ambition et l’indépendance affichées par Vivant Micault, Claude Marey et son mari ; continua à agrandir le domaine et le commerce du vin, encore plus que ses prédécesseurs. Une lettre écrite par la sœur d’Émilie à son petit-fils, en 1819 ; se lit comme suit : « Votre pauvre tante Marey a beaucoup à faire, elle doit se charger seule de la récolte de Pommard. Elle aura quelque 300 fûts de vin, que de soucis pour une femme seule ! ». Malgré les inquiétudes de sa sœur Charlotte ; Émilie dépassa toutes les attentes et accrut considérablement la production de vin du domaine après la mort de son mari.

Si nous sommes redevables de notre bonne fortune et de notre futur envers quelqu’un, c’est bien envers Émilie Marey-Monge. Fille courageuse et animée, épouse et figure maternelle de la plus grande famille de Bourgogne ; qui a fièrement permis, par son dur labeur et sa passion, la survie du vin de Pommard.

Belle, gentille, généreuse et spirituelle, dotée d’une bonne éducation et noble ; comme le cépage Pinot Noir ; voici une description du personnage de Charlotte Émilie en 1820 : « Malgré les merveilles de la table et du vin, ce qui m’a le plus frappé est la maîtresse de maison, la noble mère offrant toutes les grâces de physionomie et d’esprit, tout le charme de la conversation, et d’une gentillesse et d’une gaieté d’autant plus attirantes qu’elles rayonnent d’une grande intelligence ».

Mais Émilie n’a pas géré le vignoble seule. Sa famille, ses huit enfants, ont été d’un soutien inestimable. La mère d’Émilie, Marie-Catherine ; également connue comme Madame Monge ; était une éminente ambassadrice des vins de Bourgogne. Elle envoyait souvent des bouteilles de Pommard à Paris pour en faire profiter ses amis. Après la mort de Nicolas-Joseph, et tout au long des 30 dernières années de sa vie, Marie-Catherine passerait tous ses derniers jours à Pommard à aider sa fille avec la récolte et la vinification.

 


La vieille dame de Pommard : Émilie Marey-Monge a vécu jusqu’au grand âge de 89 ans. Elle est enterrée à côté de ses vignes bien-aimées 

Après le décès d’Émilie, à l’âge avancé de 89 ans ; le Château et le Clos Marey-Monge seraient hérités et gérés par la plupart de ses huit enfants. Nous avions donc l’aîné de ses fils, Guillaume-Stanislas, leur cinquième fils Alphonse, leurs filles jumelles Louise et Edith Marey-Monge ; et le fils d’Edith, Emmanuel De Blic, pour un siècle encore. La crypte d’Émilie, ainsi que celles de plusieurs de ses enfants, se situent au cimetière de Pommard, juste à côté des vignes bien-aimées du Clos Marey-Monge de sa famille.


Guillaume-Stanislas : La tombe du premier fils de la famille Marey-Monge

Ce n’est que le 10 décembre 1840, que les huit enfants de Nicolas-Joseph Marey (1760-1818) et Jeanne-Charlotte Émilie Monge (1778-1867) ; reçurent l’autorisation de porter le titre de Marey-Monge, par décret royal, rien de moins.


Guillaume Felix Alphonse Marey-Monge 1818-1877 : Maire de Pommard et Député de Côte d’Or, dernier fils Marey-Monge à gérer le domaine.

C’est en 1846 que Guillaume Stanislas Marey-Monge ; l’aîné des enfants de Nicolas-Joseph et Émilie ; devint le gardien du domaine après le décès d’Émilie. Pendant son temps à la tête du domaine, en 1855 ; Guillaume a accueilli Jules Lavalle, une sommité de la viticulture bourguignonne. La classification exhaustive des terroirs, par le Dr Lavalle ; publiée dans son célèbre livre Histoire et Statistiques des vins de la Côte d’Or ; certifiait le Clos Marey-Monge parmi les premières cuvées les mieux classées de la région. Durant 80 ans, le vin et les terroirs du Château de Pommard ont été acclamés à travers tout le pays. Cela a participé à octroyer à Pommard la réputation encore joui aujourd’hui.

Des années 1870 à 1920, le Château Marey-Monge, le Clos et la partie vinicole furent exploités successivement par les enfants de Nicolas-Joseph et Émilie.

C’est Édith Marey-Monge, la plus jeune fille de Nicolas-Joseph et Émilie qui, à l’âge de 19 ans, possédait entièrement le domaine. Édith épousa Hervé De Blic, d’une des familles féodales les plus illustres de Bourgogne. Édith et Hervé passaient l’automne et l’hiver à Dijon, et le printemps et l’été à Pommard, s’occupant des récoltes et des vignobles. Ingénieur en Arts et Fabrication, Hervé était également maire de Pommard jusqu’à son décès en 1924.

À la mort de son mari, Édith légua l’exploitation du domaine à son fils Emmanuel De Blic. Le dernier héritier de la famille Marey-Monge qui était né, avec à-propos, sur les terres du domaine et serait l’auteur de plusieurs livres sur le patrimoine et l’héritage de sa famille.


Emmanuel De Blic : Le fils d’Édith Marey-Monge a écrit de nombreux livres sur sa famille

En décembre 1926, Emmanuel vend le Château Micault à Charles-Georges d’Epinay et le Château Marey-Monge à Louis Laplanche, en 1936. C’est là que commence le chapitre suivant du Château de Pommard.

Hélas, l’ère de la puissante et prestigieuse famille Marey-Monge touche à sa fin.


Étiquette de Vin : Une étiquette du vin sous l’ère d’Emmanuel De Blic survit


Héritiers de la famille De Blic : Phillippe (centre) et Emmanuel De Blic (à gauche) visitent l’ancienne maison de leur famille à l’été 2016