Nos Histoires

Mohamed Henni
Chef du Château de Saulon

Mohamed Henni a eu la chance de travailler auprès de chefs de renom, avant de lui-même devenir Chef au Château de Saulon. C’est auprès d’eux qu’il a appris à respecter la nature et les produits qu’elle nous offre, tout en alternant entre tradition et authenticité. Au restaurant Deux Rivières, il a ainsi mis en place le concept de la “Carte Blanche”, un menu saisonnier réalisé en fonction du potager du Château. Il nous fait découvrir ses valeurs et sa philosophie.

Comment êtes-vous arrivé au Château de Saulon ?

J’ai fait mes études à l’école hôtelière Alexandre Dumas à Illkirch, au sud de Strasbourg. J’ai ensuite travaillé pendant quelques années en Alsace, dans différents établissements étoilés avant de me décider à partir à la découverte d’autres régions de France. De Grignan dans la Drôme, à Massignac en Charentes, j’ai eu la chance de côtoyer des chefs renommés et reconnus pour leurs cuisines centrées sur l’authenticité des produits et le respect des traditions. J’ai ensuite décidé de voler de mes propres ailes et c’est à ce moment-là que Thierry Goux, directeur du Château de Saulon, est venu me rendre visite -sur la recommandation d’un de mes anciens chefs- afin de découvrir ma cuisine, avant de me proposer le poste de Chef au restaurant du Château de Saulon.

Qu’avez-vous mis en place en arrivant au Château ? 

Il y avait déjà un restaurant à l’époque mais le concept de la terre à l’assiette n’existait pas encore. C’est quelque chose que j’ai mis en place en travaillant de façon très étroite avec le maraîcher du Château, Maxime Boront, qui était lui-même arrivé trois semaines avant moi. Dès le début nous avons beaucoup échangé et rapidement constaté que nous avions beaucoup de points communs. Dans la vie, nous partageons les mêmes valeurs, du travail autour du produit au respect de l’environnement. Grâce à lui, notre potager est passé bio depuis quelques semaines. Ensemble, nous déterminons dès le début de l’hiver ce qui va être planté dans l’année, en fonction des saisons. Nous établissons une sélection de produits pour rythmer l’année, aussi bien dans le potager que dans la cuisine. C’est une chance incroyable ! Cela correspond exactement à ce que j’ai toujours eu envie de faire et au type de cuisine que je souhaite réaliser.

Comment réalisez-vous alors votre carte ?

Ma carte dépend bien sûr de son potager et des produits de nos partenaires locaux, particulièrement pour la “carte blanche” du restaurant gastronomique. Je suis à l’écoute de nos fournisseurs et de leurs suggestions de produits en fonction des saisons. C’est pour cela que je n’ai jamais souhaité imposer une carte que l’on devrait tenir pendant plusieurs mois. Je préfère m’adapter aux saisons, aux climats, quitte à travailler certains produits pendant seulement deux ou trois semaines en fonction de leur qualité.

Quelles sont les valeurs particulières du Château de Saulon ?

La principale valeur, qui est partagée par l’ensemble de l’équipe, c’est le respect du produit. C’est quelque chose qui me tient vraiment à coeur et que je souhaite transmettre à mon équipe. On attend chaque produit avec une certaine impatience. Ils prennent une valeur toute particulière, notamment du fait du travail qui a été réalisé en amont pour l’obtenir. Ainsi, en cuisine j’essaye de minimiser le gaspillage dans le travail des différents produits. Je peux vous donner un exemple précis avec l’un des derniers plats que j’ai réalisé, autour du topinambour et de la Saint-Jacques. J’ai utilisé l’intégralité du topinambour, y compris les épluchures que j’ai faites torréfier afin de réaliser des peaux croustillantes qui ont permis d’ajouter de la texture au plat. L’utilisation d’un produit dans son intégralité, c’est vraiment la clé de mon métier et de mon travail, et c’est ce qui les rend vraiment intéressant. C’est comme raconter une histoire, même pour un produit simple parce qu’on y met du coeur et de la passion pour s’en servir pleinement. Il y a toujours plein de pistes à aborder.

Une spécificité à propos de votre cuisine ?

J’aime ajouter une touche de végétal dans mes assiettes, par exemple en ajoutant des herbes aromatiques. D’un point de vue esthétique, cela donne un côté plus vivant à l’assiette tout en assurant une certaine ligne conduite pour le plat. J’utilise uniquement des herbes aromatiques qui s’accordent avec le plat en question, pas simplement pour faire joli. Dans le cas de la langoustine, j’ai ajouté de la mélisse qui pousse dans le potager et qui donne ce côté citronné, anisé au plat.

Est-ce que la restauration a toujours été une évidence pour vous ?

Mon grand-père était directeur de l’Ecole Hôtelière d’Oran en Algérie. Il avait, et a encore, un restaurant en Algérie, qui repose principalement sur une cuisine traditionnelle française. Avec ma grand-mère, ils m’ont tous les deux donné le goût de la cuisine et des produits. J’ai eu la chance de grandir dans un milieu à double culture : la culture française avec ma grand-mère et la culture algérienne avec mon grand-père.

Vous intéressiez-vous déjà au vin avant votre arrivée en Bourgogne ?

Depuis l’école hôtelière, je suis effectivement un grand passionné de vin. Certains de mes amis sont sommeliers et ensemble nous avons mis en place une tradition. Chaque année, nous nous retrouvons autour d’un moment convivial et nous réalisons des accords mets et vins. J’ai ainsi eu la chance de déguster de très bons vins et d’accorder des plats avec ces très belles cuvées.

Quels est accord met / vin vous a le plus marqué ?

Il y a un accord en particulier qui m’a marqué, réalisé avec l’un de mes meilleurs amis qui est sommelier. J’avais été ramasser des pélites, une espèce de champignon également connue sous le terme d’Oreille de Judas. Ensemble, nous avons préparé une fricassée d’escargots aux pélites que mon ami a décidé d’accorder avec un Arbois Pupillin de la Maison Overnoy. C’était un accord absolument incroyable. Une véritable explosion de saveurs en bouche.

Quels seront vos plats emblématiques de la saison à venir ? Avec quels vins les accorderiez-vous ?

Nous allons proposer deux entrées très différentes pour le printemps. La première entrée est un foie gras poêlé accompagné d’une pâte de pistache et des griottes, le tout servi avec un vieux balsamique. C’est une entrée qui s’accorderait parfaitement avec un Corton-Charlemagne 2018. La seconde option d’entrée est ancrée dans une tradition typiquement algérienne qui associe betterave et cumin, il s’agit d’une betterave avec un “sable” -une poudre réalisée avec de la farine de seigle et du cumin- et du citron confit. J’imagine bien déguster cette entrée avec un Saint-Aubin Premier Cru “En Remilly” 2018 de la Famille Carabello-Baum. Enfin, pour le plat principal, je recommanderais des filets mignons d’agneau. Ici, l’agneau travaillé en deux temps : on prélève d’un côté l’épigramme qui va cuire à basse température toute une nuit, et de l’autre côté les filets mignons qui vont être saisis très rapidement à la poêle. Le tout est déglacé avec un jus d’agneau, et l’ensemble est servi avec un assortiment de légumes printaniers qui viennent du potager (carottes, navets, courgettes…). Ce plat se mariera très bien avec un Chambolle-Musigny 2018 de la Famille Carabello-Baum.

Votre culture algérienne marque-t-elle encore aujourd’hui votre cuisine ? 

Bien sûr ! J’adore travailler les épices. L’accord betterave et cumin est typique de la cuisine algérienne par exemple. Ça fait partie de mon identité et je souhaite vraiment mettre en avant cet aspect-là dans ma cuisine. La coriandre aussi, qui apporte un côté floral à certains plats, le travail délicat sur les piments, la cuisine méditerranéenne en général… ce sont les bases de ma cuisine.