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Inspiration

Le temps est venu de rêver et de se déconnecter

Aujourd’hui, nos vies sont trépidantes, pleines d’activités, mais nous sommes toujours centrés sur nous-même. Nous avons souvent l’impression d’avancer sur un tapis de course qui ne cesse d’accélérer. Regarder autour de nous et au-delà des choses, des endroits et des relations avec lesquels nous nous sentons le plus à l’aise est difficile. Prendre le temps de rêver et de se déconnecter semble être un luxe inaccessible. Mais ceux d’entre nous qui s’éveillent – pour quelque raison – et arrivent à se détacher de leur quotidien, acquièrent du recul, une pleine conscience et la possibilité de vivre une vie plus épanouie.

Lorsque nous avons décidé de quitter la Californie pour Paris, pendant un an, beaucoup de personnes de notre entourage se sont demandées pourquoi ? « Pourquoi voulez-vous quitter votre petit confort et déménager dans un lieu qui vous est si étranger. Vous n’y êtes pas obligés, » ont-ils réprimandé. Un déménagement à notre propre initiative, sans garantie d’employeur, a également soulevé beaucoup de questions avec le gouvernement français.  Nous n’avons guère été accueillis à bras ouverts. Cependant, rien n’aurait pu nous en dissuader. La pile de documents signés et une déclaration assermentée selon laquelle nous ne contribuerions pas à l’emploi français n’a nullement sapé notre décision qui changerait notre vie. Nous étions décidés à échapper à la monotonie, à notre routine, à découvrir des attitudes, des cultures et des points de vue différents.

« Pour vraiment voir le monde et se comprendre soi-même, il faut prendre du recul sur son quotidien. »

Mon histoire avec le vin a commencé vingt ans plus tôt lorsque j’ai épousé Julie à Rutherford, en Californie, une petite ville de 164 habitants précisément. C’était une journée magnifique. La réception qui suivit surplombait les magnifiques vignobles de la Napa Valley et invitait à déguster un certain nombre de vins locaux. Nous avons goûté de grands Cabernets Sauvignons et Zinfandels ainsi que des Chardonnay charpentés. Ils ne nous séduisirent pas vraiment. Le climat dans les vallées de Californie du Nord produit des vins à haute teneur en alcool avec des tanins biens intégrés. Leur note boisée vise à tempérer leur caractère sauvage. Mais, à ce jour, j’ai peu d’affinité avec ces vins, ils ne m’inspirent pas comme d’autres peuvent le faire.

Ce fut lors de notre voyage en France que la magie du vin opéra. Nous en sommes immédiatement tombés amoureux tous les deux. La beauté et la délicatesse d’un Sancerre de Loire, le Grenache de Côte du Rhône, le Mourvèdre, le Cinsault et le Rosé de la belle Aix en Provence ne ressemblaient en rien à ce que deux gosses de Pennsylvanie avaient pu goûter auparavant. C’était le début d’une histoire d’amour, qui allait changer la vie de notre famille.

« La beauté et la délicatesse des vins français, vous fait tomber amoureux. »

Ce premier voyage en France et sur le continent européen n’était que le début d’une longue série. Néanmoins, 20 ans s’écoulèrent avant d’avoir l’occasion de vraiment s’engager dans cette nouvelle passion pour le vin, la cuisine, la culture et la mode française. Au cours de ces vingt années, j’ai continué à me perdre dans les contrées sauvages du vin, comme beaucoup de nouveaux explorateurs du monde viticole. J’ai tout essayé, l’Ancien et le Nouveau Monde, mais mes papilles ne demandaient plus que du vin français. C’était un appel provenant d’une zone inconnue de mon esprit.

Il s’avère que mon amour pour le vin français était beaucoup plus profond que je ne le pensais.  Au cours de notre année à Paris, j’ai voyagé dans toutes les régions viticoles de France – à Bordeaux, en Provence, à Bandol, en Champagne, dans le Jura ou le Languedoc, pour n’en citer que quelques-unes.  Mais ce fut un voyage fatidique en Bourgogne, guidé par une personne locale, connaisseuse et passionnée, qui m’a transporté des milliers d’années en arrière et a éveillé mon désir de déguster ce que la Bourgogne avait à offrir de meilleur.

« Parfois, la passion, l’expérience et l’intuition donnent de meilleurs résultats que la technologie. »

J’ai eu la chance de rencontrer de nombreux vignerons qui travaillent le terroir depuis plusieurs générations. Ce n’était certainement pas la Californie. Tout ce qui m’entourait constituait le vieux monde. L’histoire viticole se mesurait en milliers, non pas en centaines, d’années. La haute technologie était absente des vignobles ou des cuveries. Tout était fait grâce à l’odorat, au goût, au toucher et à l’intuition ; l’expérience des vignerons façonnait les raisins, des bourgeons à la bouteille.

L’un des points communs avec la Californie est que les Bourguignons, comme les gens de la Silicon Valley, sont incroyablement passionnés et ont l’esprit entrepreneurial. Ils savent ce qu’est le très dur labeur. Ils ne perdent jamais espoir face aux nombreuses difficultés et ils sont déterminés à être les meilleurs au monde dans ce qu’ils entreprennent. J’ai beaucoup de respect et suis tombé amoureux des gens, du terroir et des vins de Bourgogne. Je voulais en faire partie, en quelque sorte.

Nous n’avions jamais imaginé que notre obsession française nous conduirait en Bourgogne. Encore moins à Pommard, l’un des villages viticoles les plus admirés au monde. Comme toutes les plus grandes opportunités, la chance s’est présentée à un moment compliqué ; alors que nous faisions nos valises pour rentrer à San Francisco. Je n’avais visité la Bourgogne que deux fois auparavant. La région nous était étrangère. Nous connaissions Paris, mais la Bourgogne…?

« Les opportunités semblent se présenter de la plus étrange des façons. »

Mais, la chance de produire du vin, notre propre vin, en Bourgogne, représentait le rêve d’une vie. Nous avons donc sauté dans le TGV, Gare de Lyon, et poursuivi notre chemin vers Pommard. C’était en juillet, cette époque de l’année en Californie où tout est brun, sec et aride. Mais en Bourgogne, les fleurs sauvages étaient partout et les vignes étaient pleines de vie. Je n’ai jamais vu un endroit aussi beau, paisible, où le temps s’arrête. Nous aurions pu être en 1714 ou 2014, hormis les vêtements et les voitures, il était difficile de faire la différence.

J’avais goûté les vins du Clos du Château de Pommard un an plus tôt et avais découvert que l’approche du laisser-faire du viticulteur produisait des vins d’une élégance et d’une longueur incroyables ; avec toute l’audace qui fait la grandeur de Pommard. Cette seconde dégustation ne m’a pas déçu, ni la chance de rencontrer l’homme lui-même, Emmanuel Sala, le vinificateur incroyablement talentueux qui, je suis heureux de le dire, est aujourd’hui notre partenaire viticole. Naturellement, notre première rencontre a eu lieu dans la cave. Il portait un maillot de rugby français et, en tant qu’ancien joueur de rugby moi-même, nous nous sommes immédiatement entendus à discuter d’histoires de mêlées spontanées et de blessures.

Né et élevé en Bourgogne, « Manu » a commencé à faire du vin en Alsace. Ses voyages viticoles lui ont fait faire le tour de la France, avant qu’il ne rentre finalement chez lui à Pommard en 2007. Il pourrait faire du vin où il le souhaite, mais ce lieu est son premier amour.

« Le travail devient un art de vie lorsque vous collaborez avec des gens exceptionnels. »

Au cours des mois qui suivirent, nous avons régulièrement discuté et échangé des messages avec Manu. Notre enthousiasme commun pour ce terroir unique et l’occasion de gérer ce lieu sacré pour de très nombreuses années, était fondé sur une vision commune de ce qui devait être fait. Et la tâche était grande.

De nombreuses vignes mortes devaient être remplacées. Cinq hectares – soit un cinquième du Clos – c’est à dire le terroir Émilie, était vieux, malade et produisait moins d’un demi hectare de production. Il fallait l’arracher et le replanter entièrement. L’équipe du vignoble manquait d’installations et d’équipements appropriés. De grandes parties du mur historique du Clos étaient en train de s’effondrer. Les vignes étaient épuisées par quatre années de grêle brutale et destructrice. Il est assez incroyable que l’équipe de Manu ait pu continuer à produire de beaux vins en dépit de toutes ces difficultés – une preuve de leur savoir-faire bourguignon.

« Il n’y a pas que les Californiens qui ont le droit de rêver. »

Manu et moi-même partagions le même rêve : transformer le plus grand Monopole de Bourgogne en un écosystème durable et cultivé en biodynamie, en harmonie avec les lois de la nature, et doté du potentiel de produire certains des meilleurs vins au monde. Avec deux autres offres, provenant de grandes entreprises, en attente, nous avions peu de temps pour agir. Nous avons dû prendre une décision qui allait affecter notre famille pour toujours – presque instantanément. Ce qui jouait en notre faveur était le fait que le domaine ait toujours été une entreprise familiale, depuis 1726. Il faut saluer ici l’ancien propriétaire, qui souhaitait que le domaine continue d’être un domaine familiale.

Néanmoins, le travail de la vigne et du vin n’avait rien à voir avec ma carrière dans le domaine de la technologie – un monde que je connais, un monde que je comprends. En Bourgogne, et plus spécifiquement dans le monde du vin, le temps se mesure en années, en décennies… rien à voir avec les cycles en nanosecondes des ordinateurs. Je vis et travaille dans le monde numérique. Dans la Silicon Valley, la gratification est immédiate. Vous écrivez quelques lignes de code et vos résultats apparaissent instantanément sur l’écran. C’est la chose sur Terre qui se rapproche le plus de l’alchimie.

« L’amour de la nature et du terroir transcende tout, faisant de la vinification bien plus qu’un travail. »

L’élaboration d’un grand vin commence dans les vignes. L’âge moyen des vignes aujourd’hui au Clos Marey-Monge est de 65 ans. Ce sont mes enfants, pas moi, qui récolteront les fruits de la replantation d’Émilie. La vinification, n’existe pas sans viticulture, et la création d’un grand vignoble prend beaucoup de temps. Contrairement à l’ingénieur en logiciel qui ne nécessite qu’un clavier, un certain savoir-faire et une idée ; la viticulture requiert une équipe, une perspective à long terme et du travail physique. C’est en effet bien différent.

Le fait de vivre en Californie et à Pommard, me permet de voir les deux mondes en action. Il y a quelque chose de si séduisant à propos de Pommard et du mode de vie qui y règne… La Californie devrait s’en inspirer. Quand je suis à Pommard le temps semble moins importer, comme s’il s’arrêtait pour me laisser le temps d’en faire plus. Le tapis de course de la vie ralentit, le rythme est plus calme. Vous êtes transportés dans le temps, ce qui a un effet apaisant sur votre esprit. C’est cette suspension consentie de l’incrédulité qui vous permet d’avoir une vue d’ensemble sur votre vie ; puis de regarder vers le passé, le futur et tout autour de vous. Partout où vous allez, vous absorbez une perspective différente.

« La Bourgogne est mystique, à bien des égards. »

J’ai essayé d’innombrables fois de décrire cette expérience et le sentiment mystique de ce lieu aux gens qui me posent la question. Ma mère et mon père ne cessaient de me demander à quoi ressemblait la vie à Pommard – mais il est impossible de l’expliquer. Je leur ai simplement dit qu’il fallait le vivre pour le comprendre. Récemment, ils nous ont rendu visite et ont fait leurs premières vendanges. Ils ont tous deux ressenti les effets mystiques et méditatifs de la Bourgogne. Tout ce qu’ils pouvaient dire était « Ouah ».  Partout où ils regardaient, tout ce que je pouvais entendre était « Ouah ». Ils sont tombés amoureux. C’est ce qui arrive lorsque vous passez du temps ici.

Il est difficile de décrire la Bourgogne à des gens qui n’y ont jamais mis les pieds. J’ai essayé de nombreuses fois. Le meilleur conseil que je puisse leur donner c’est de venir, de visiter, de vivre l’expérience, et de profiter de tous les bienfaits que ce lieu a à offrir.

Michael Baum
Propriétaire